chimie

Afin de comprendre plus en profondeur les différents produits, nous allons ouvrir une petite page de parenthèse et parler de leurs interactions (Nous parlerons donc de chimie).

Pour commencer, la base: La fabrication du ciment, ensuite ses réactions avec l’eau lors du gâchage et les adjuvants couramment utilisés, ensuite, ses réactions avec le minéralisant et pour finir, le phénomène de carbonatation. La page risque d’être longue… 🙂

 

La fabrication du ciment:

Les matières premières sont extraites de carrières, soigneusement échantillonnées et analysées, dosées et mélangées pour donner un « cru ». Pour obtenir un mélange constant, ces analyses et dosages sont permanents.

Le cru est composé de:

• Carbonate de calcium (CaCo 3 ) : de 77 à 83 %
• Silice (SiO 2 ) : de 13 à 14%
• Alumine (Al 2 O 3 ) : de 2 à 4%
• Oxyde ferrique (Fe 2 O 3 ) : de 1,5 à 3 %

Pour le mélange, on dispose les différents éléments les uns sur les autres par couches successives,  qu’on reprend verticalement.

Le mélange ainsi obtenu est séché et broyé très finement (de l’ordre de quelques microns), on l’appelle « la farine ».

Cette farine est ensuite envoyée dans un four rotatif légèrement incliné où elle est portée à une température avoisinant les 1450 degrés. L’énergie consommée est de 3200 à 4200 kilojoules par tonne de clinker produit (l’équivalent de 100 kg de charbon).

Le but de la manœuvre est d’assurer la décarbonatation du carbonate de calcium (calcaire) pour donner de l’oxyde de calcium, plus communément appelé chaux vive (CaCO3 → CaO + CO2), et de scinder l’argile en ses constituants: en silice (SiO2), en alumine (Al2O3) et en oxyde de fer (Fe2O3), à partir d’une température de 650 degrés.

A partir d’environ 1300°C les réactions de clinkérisation se poursuivent.

Oxyde de fer (Fe2O3) + alumine (Al2O3) + oxyde de calcium (CaO) → aluminoferrite tétracalcique (Ca4Al2Fe2O10).
Alumine (Al2O3) + chaux vive (CaO) → aluminate tricalcique (Ca3Al2O6).

Ces deux composés nouvellement formés constituent la phase liquide du mélange qui continue de progresser vers la partie la plus chaude du four. La silice (SiO2) et la chaux vive (CaO) restant se dissolvent dans cette phase et réagissent entre-elles selon la réaction suivante :

Silice (SiO2) + chaux vive (CaO) → silicate bicalcique (Ca2SiO4)

La réaction peut se poursuivre éventuellement s’il reste de l’oxyde de calcium (CaO) qui n’a pas encore réagi :

Silicate bicalcique (Ca2SiO4) + chaux vive (CaO) → silicate tricalcique (Ca3SiO5)
Ce phénomène progressif constitue la clinkérisation.

Pour obtenir un ciment actif, le clinker doit être broyé très finement (grains de 40 microns et moins). C’est également lors du broyage que l’on ajoute au clinker le gypse (3 à 5%) indispensable à la régulation de prise du ciment, on obtient alors le ciment « Portland ». Les ciments « à ajouts » sont obtenus par l’addition au clinker, lors de son broyage, d’éléments minéraux supplémentaires contenus par exemple dans les laitiers de hauts fourneaux, les cendres de centrales thermiques, les fillers calcaires, les pouzzolanes naturelles ou artificielles. On obtient ainsi différentes catégories de ciment destinés à des ouvrages spécifiques.

Le ciment est ensuite ensaché et palettisé, ou livré en vrac, prêt à être utilisé.

 

Réactions chimiques du ciment avec l’eau et les produits adjuvants:

Lors du gâchage, l’hydratation se produit : les silicates bi et tricalciques se dissolvent et recristallisent pour former du silicate monocalcique hydraté et d’autres éléments cristallins. Ces cristaux, en se fixant entre eux et aux granulats, confèrent au ciment sa résistance.

Lors de la mise en place du mélange de gâchage, la pâte de ciment semble ne pas évoluer. En réalité il y a déjà des réactions chimiques qui ont lieu puisque des ions passent en solution dans l’eau durant cette phase (notamment des ions calcium, silicates, hydroxydes et sulfates). Une fois l’eau de gâchage saturée en ions, le début de la prise commence. La durée de la phase dormante dépend du ciment utilisé mais elle est généralement de une à quatre heures.

Après quelques heures, on observe une brusque augmentation de la viscosité du ciment ainsi qu’un dégagement de chaleur, c’est le début de la prise. En présence de gypse, les aluminates tricalciques réagissent pour former des aiguilles d’ettringite (ou trisulfoaluminate de calcium hydraté) ((CaO)6(Al2O3)(SO3)3, 32H2O), c’est cette réaction qui est exothermique et la formation des cristaux d’ettringite qui est à l’origine du début du raidissement de la pâte de ciment. Plus tard, l’ettringite réagira avec les aluminates tricalciques restants pour former des monosulfo aluminates de calcium ((CaO)3(Al2O3)(CaSO4), 12H2O). L’aluminate tricalcique est le composé du ciment le plus réactif avec l’eau et s’il n’y avait pas de gypse pour ralentir son hydratation, la réaction serait trop brutale et il se produirait une fausse prise avec formation d’aluminates de calcium hydratés qui ont un effet négatif sur la résistance du ciment.

Moins réactifs, les silicates tricalciques (Ca3SiO5) et les silicates bicalciques (Ca2SiO4) réagissent avec l’eau pour former de la Portlandite ou chaux éteinte (cristal hexagonal d’hydroxyde de calcium : Ca(OH)2) et des CSH (silicates de calcium hydratés). Les CSH sont des composés non cristalins. Il ont les caractéristiques d’un gel et possèdent une composition variable, leur formule générale pouvant s’écrire : (CaO)x(SiO4)y(H2O)z avec 0.6 < x/y < 2 et 1 < z < 4. Leur composition moyenne est proche de (CaO)1.7(SiO4)(H2O)4.

C’est l’enchevêtrement du gel CSH qui donne sa solidité au ciment : les CSH se développent à la surface des grains de ciment non hydratés et comblent progressivement les interstices capillaires entre les grains. La pâte devient de plus en plus dure.

Les aluminoferrites tétracalciques s’hydratent également mais ne participent pas à la solidification du ciment. Quand le ciment est rigide, la prise en elle-même est terminée.

Les réactions vues précédemment se poursuivent encore plusieurs moins après la prise. Ainsi tout le gypse et l’ettringite finissent par disparaître et le CSH comble peu à peu toutes les porosités du ciment. Le flux de chaleur diminue et la résistance du ciment augmente.

A noter que le pH élevé permet une passivation des aciers par la constitution d’oxydes et d’hydroxydes ferreux.

Ces composés chimiques sont dits « métastables », cela signifier qu’ils ne sont pas chimiquement stables mais que leur vitesse de transformation est extrêmement lente et qu’il donnent une apparence de stabilité (voir carbonatation).

Les adjuvants:

Les adjuvants sont des produits chimiques qui modifient le comportement du béton pendant et après la phase fluide, ce sont des:

  •  Entraîneurs d’air
  •  Retardateurs de prise
  •  Accélérateurs de prise
  •  Plastifiant réducteur d’eau
  •  Super-plastifiants
  •  Hydrofuges de masse
  •  Réducteurs de retrait

L’entraîneur d’air crée des bulles d’air stables, petites et serrées. On l’utilise lorsqu’on souhaite obtenir une meilleure protection contre les cycles gel/dégel. Il augmente aussi le résistance aux dégradations causées par le sel, diminue la ségrégation, le ressuage (laitance) et la perméabilité et améliore la plasticité et l’ouvrabilité.

Le retardateur de prise ralentit les réactions d’hydratation du ciment. Il maintient les caractéristiques du béton frais pendant environ une heure, participe à l’augmentation de la résistance mécanique du béton, à la diminution du retrait et permet une plus grande résistance aux cycles gel/dégel et au sel.

L’accélérateur de prise permet d’accélérer les processus d’hydratation, de cristallisation et de durcissement du béton même à basse température. Il permet une forte augmentation de résistance mécanique à court terme, un décoffrage plus rapide donc une amélioration des cadences de production et une optimisation des temps ou de températures d’étuvage.

Le plastifiant réducteur d’eau à pour but de permettre le maintien de la maniabilité du béton frais sans diminution de ses résistances initiales. A l’état frais, il permet la diminution du risque de rajout d’eau, donc évite les risques de perte de slump (mesuré par l’affaissement du cône d’Abrams), de fissuration et autres pathologies dues au surplus d’eau. Il ne retarde pas la prise. Idéal pour les bétons autoplaçants et les bétons à pomper.

Le superplastifiant, c’est la même chose mais en mieux: sa structure chimique agit sur le grain de ciment par répulsion électrostatique et effet stérique, c’est à dire qu’il crée un obstacle physique au rapprochement des particules de ciment, et de fait, maintient l’état de dispersion. Cet effet de dispersion permet de conserver une maniabilité très plastique ou fluide pendant un laps de temps plus élevé (1H30) avec un faible rapport eau/ciment et sans effet de retard de prise. Il offre plusieurs avantages tels que l’augmentation du module d’élasticité du béton, son adhérence sur les aciers, sa résistance à la carbonatation, son imperméabilité et sa résistance aux agressions atmosphériques. Il  permet aussi la diminution du retrait (donc du risque de fissuration) et du fluage.

L’hydrofuge de masse permet d’augmenter considérablement l’imperméabilité des bétons et mortiers en réduisant l’absorption capillaire. Son action consiste à obstruer les réseaux capillaires empêchant ainsi le cheminement de l’eau ou d’agents extérieurs dans ces réseaux. D’autre part, la chaux libre naturellement issue de l’hydratation du ciment est fixée au cœur du béton, empêchant ainsi l’apparition d’efflorescences.

Le réducteur de retrait est un additif expansif qui agit en incitant une contrainte dans le béton pour décaler la traction exercée lors du retrait de séchage. Une autre technique consiste à réduire les tensions capillaires de l’eau interstitielle. Outre le fait que ce produit réduit le risque de fissuration, il réduit aussi le phénomène de curling (soulèvement des joints).

Le minéralisant:

Le minéralisant est une solution aqueuse de polycristaux de silicium, il pénètre par capillarité dans le béton à une profondeur comprise entre 1 et 3 millimètres en fonction de sa porosité, où il provoque la cristallisation des chaux libres et la formation de silice (SiO2) dans les pores augmentant de fait la dureté dudit béton. La cilice est un cristal de la famille des silicates, sa dureté est de 7 sur l’échelle de Mohs, on passe donc, sur une surface de béton, d’une dureté de 3 pour l’ hydroxyde de calcium (ciment durci) à 7 (ciment durci plus cristallisation de silice), équilibrant ainsi les différentes duretés des éléments de surface (granulats). De plus, la minéralisation a ce gros avantage d’augmenter considérablement la résistance à l’infiltration de produits pouvant créer des taches disgracieuses; en effet, la cristallisation réduit la taille des pores à un diamètre de quelques microns, réduisant ainsi la liste des produits dont la taille des particules leurs permettraient de pénétrer dans le béton.

La carbonatation:

Lors de sa cuisson, on enlève un atome de carbone au carbonate de calcium, le transformant ainsi en oxyde de calcium. Cet oxyde tend simplement à récupérer son atome manquant. Le carbonate de calcium est l’élément principal de transformation.

Notre atmosphère contient 0.03 à 0.04% de CO2. Il se diffuse dans la porosité du béton et se dissout en formant des acides au contact de la solution interstitielle contenue dans le béton, ce phénomène a pour conséquence l’abaissement du pH et conduit à la dissolution des hydrates de ciment. L’hydroxyde de calcium (portlandite) est notamment affecté, alors qu’il joue un rôle fondamental dans le maintien d’un pH élevé, protégeant ainsi les armatures de béton ou prévenant la formation de micro-organismes. Lorsque la portlandite n’est plus à même de réguler le pH, le milieu s’acidifie et permet l’oxydation des aciers.

La carbonatation des silicates de calcium hydratés (C-S-H) est également possible. Ils se carbonatent suivant un mécanisme progressif de décalcification, les ions calcium venant se précipiter dans la porosité avec les ions carbonates. La décalcification conduit à la formation d’un gel de cilice très amorphe et fortement polymérisé.

La carbonatation de ces deux éléments est inévitable, seul sa vitesse peut changer en fonction de la concentration de carbone dans l’air et de sa pénétration dans le matériaux. Elle progresse évidemment de l’extérieur vers l’intérieur.

Les ciments contiennent aussi des oxydes d’alcalins (Na2O et K2O) qui se trouvent sous forme de base alcaline dans la solution interstitielle (NaOH et KOH). Ces alcalins permettent de maintenir une basicité au delà de 12.4 à 20°. Leur carbonatation est très rapide puisque ces alcalins sont presque uniquement présents sous forme aqueuse et sont donc facilement lessivés en présence de pluie.

Lorsque la carbonatation atteint la première armatures, la couche d’oxydes et d’hydroxydes ferreux devient instable et la corrosion s’installe. Elle se développe vite et étant expansive, provoque l’éclatement de béton fragilisé. La valeur du pH permettant la corrosion des aciers est comprise entre 9 et 11, ce seuil dépend de la qualité du béton et du volume d’eau présent permettant les échanges ioniques avec la surface des aciers.

Le carbonate de calcium est aussi appelé calcite, aragonite, un plus couramment calcaire. Cette calcite est la matière première qui servit à la production de clinker, le cycle est bouclé.

On a vu les inconvénients de la carbonatation, mais comme une pièce de monnaie, il y a deux facettes, et donc aussi des avantages.

La carbonatation des matrices cimentaires à base de ciment de type CEM I se fait avec un gain de masse correspondant à la fixation du CO2 dans les hydrates. Le volume molaire du carbonate de calcium formé est supérieur à celui des hydrates et conduit donc à un colmatage de la microstructure qui réduit la perméabilité du béton aux gazs CO2 et O2, aux ions sulfates, aux chlorures, et plus généralement aux eaux agressives de type eau de mers, séléniteuses ou magnésiennes. Il a été aussi montré que la carbonatation permet d’accroître la résistance mécanique du béton en compression, chocs, usure et de rendre le matériaux plus stable chimiquement vis à vis des réactions de gonflement.

En revanche, les modules d’élasticité et de rigidité sont augmentés, ce qui peut créer quelques désordres en fragilisant les pièces minces.

Les traces blanchâtres qu’on peut apercevoir sur certains ouvrages apparaissent lorsque la portlandite est dissoute par de l’eau d’imprégnation en cas de pluies ou que les ions calcium migrent vers la surface par capillarité lors de phases de séchage.

Considérant l’inéluctabilité de la chose, deux questions nous reste à nous poser: de combien de temps disposons-nous, et quel sera le devenir du matériaux après la fin de vie de l’ouvrage.

La carbonatation du béton offre un grand intérêt concernant le piégeage du carbone, l’ouvrage durant sa vie (on considère une durée de vie de 100 ans pour un ouvrage en béton) récupère 50 à 60% du carbone dégagé durant la phase de cuisson de la calcite ayant permis sa réalisation. Après concassage de blocs de béton issus de la démolition, en augmentant la surface d’échanges avec l’air, les résidus récupèrent jusqu’à 90% du carbone dégagé lors de la fabrication du clinker. Son avenir dans le recyclage est donc tout tracé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Question: Quelle est la différence entre croire et savoir?